mardi 18 août 2020

Le grand platane et l’arbre têtard

 

Le grand platane et l’arbre têtard

 



A force de me promener au bord du canal, je suis devenue amie avec ses arbres. Petit à petit, certains se sont imposés comme plus tendres, plus impressionnants ou plus touchants... 


Finalement j’ai commencé à faire des photos, des portraits d’arbres. D’abord timidement, puis de manière plus déterminée : je prenais et reprenais le même arbre à des heures différentes de la journée, différents cadrages, les variations progressives des saisons. Il m’est même venue l’idée de prendre des photos sous la pluie... Ou le soir ?


Deux arbres retenaient mon attention : l’un dont je ne pouvais voir que la cime, abrité par les murs d’un parc, l’autre à peu de distance, au bord du canal. 


Celui qui se trouve au bord du canal est un « arbre têtard ». C’est un frêne. Il est magnifique et déchirant à la fois, avec son tronc énorme, une sorte de trou béant qui laisse voir l’intérieur, comme une grosse niche à hauteur d’homme, et ses branchages incroyables, tortueux, torturés, criant une envie de vivre et une souffrance presque humaines. C’est mon ami. Lorsque je passe devant lui, il me fait méditer et souvent je caresse son tronc, vérifie qu’il n’y a pas... de cannettes à l’intérieur.. De lui.


Ces arbres m’ont tellement touché que je me suis lancée : j’ai peint le portrait d’un arbre têtard.





Le deuxième arbre, c’est son pote, juste de l’autre côté du mur. Lui, c’est un géant, un platane aux allures aristocratiques, protégé par les murailles de son parc, qui règne dans un monde différent. Cela faisait longtemps que j’avais envie de le voir « en entier », au moins une fois !! Alors, quand la petite porte s’est ouverte et qu’un monsieur est sorti, je n’ai pas résisté, je suis allée lui parler,... De son platane ! Le monsieur a été très gentil et il a tout de suite compris à quel point j’avais envie...De le voir, enfin, je veux dire... Je suis entrée pour la première fois dans le parc et j’ai contemplé l’immense arbre. Vu en entier il est encore plus impressionnant et plus beau. Aristocratique, vraiment : le roi de ce parc et de son manoir. Il trône, avec majesté et douceur tout à la fois. 



Photo Jérôme Schmidt


Et là, j’ai senti comme une magie : le lien profond entre cet homme et son «Grand platane » . J’avais une petite envie de rire : il m’a présenté avec chaleur l’arbre mais... 

Pas de personne humaine.


Je suis bien heureuse de mes deux compagnons, et de pouvoir partager avec vous  la joie de les voir, semaine après semaine, évoluer au rythme des saisons, de la météo, ou du moment de la journée...


Le grand platane et l’arbre têtard, comme deux frères, côte à à côte pour le meilleur et pour le plus longtemps possible.






mardi 9 juin 2020

Mon ami le blaireau : deuxième partie


Le portrait de mon ami le blaireau en grand ...


Alors, j’ai décidé : celui qui me va, que j’aime, c’est mon « Disco-flashy ».
Je vais en faire un tableau. Enfin... une acrylique sur bois, plutôt !!


Quand je pense au blaireau trouvé sur le bord de la route, j’ai comme envie de crier « Pourquoi ? » et ce « Pourquoi ? » trouve un écho dans la violence du contraste entre lui, le blaireau noir et blanc, discret, qui ne demande qu’à être oublié et cette débauche, cette violence de couleurs dans laquelle il se trouve malgré lui. Mais il tient bon, il nous regarde, il nous demande.. Où c’est, sa place dans notre monde ?

Je travaille sur un peu tout comme panneaux ou planches dans notre atelier... Mais là, je vais devoir le faire couper sur mesure. Quand j’ai le choix, je prends la qualité « médium » : la surface est déjà lisse, je n’ai qu’à passer de l’apprêt, poncer....

Il faut que je trouve un équivalent à la matière "brossée" de mon blaireau.. 

Essais à la brosse sèche avec deux matières : de l'acrylique noire et de l'encre de chine
Ici : à droite, l'acrylique, à gauche, l'encre de Chine
Je ne sais pas si c'est perceptible sur ces photos, mais l'encre de Chine, avec les mêmes pinceaux et brosses donne un grain beaucoup plus fin. Il y a une délicatesse et une douceur avec l'encre. De plus, la gestuelle avec l'acrylique reste "lourdingue". Je pensais que c'était "psychologique" mais, non, quand je suis passée à l'encre de Chine, c'est comme si tout avait été plus vite, le geste coulait... Il y avait comme une douceur...





Ca a été compliqué déjà de mettre en grand une image photoshop que je ne peux imprimer que sur du 21 X 29,7 !!! J’ai renoncé à reproduire simplement l’image de départ : j’ai réinventé un fond à bases de feuilles qui fasse simplement le rendu d‘un univers coloré.



J’ai commencé à installer le fond avec des feuilles de toutes les couleurs, l’ombre bleue...



La fourrure du blaireau m’a finalement demandé encre de Chine et acrylique : le coté poivre et sel en jouant sur le fond blanc ne suffisait pas...

Voilà mon blaireau prêt à affronter les questions... 
Je vais l’amener si on fait une expo sur la nature et les animaux sauvages !

Le plus efficace pour l’aider, le protéger, à mon sens, c’est de le faire connaître, de le faire aimer. Si un enfant le voit, il dira par exemple, « dis, papa, maman, c’est quoi cet animal, il est vraiment beau !  C’est quoi son nom ? » 

Pourquoi on le voit jamais dans les bandes dessinées ?
Pourquoi on n’en parle pas ? 
Pourquoi traiter quelqu’un de blaireau c’est pas gentil ?
Pourquoi on le traque, pourquoi on le chasse ?


lundi 1 juin 2020

Mon ami le blaireau : déclinaison d'un dessin...


Ca commence par une petite route de campagne très habitée : on y voit des chouettes, des lièvres, des chevreuils, les petites bêtes des bois... Je l’emprunte toujours avec un soupçon de culpabilité : celui de déranger tout ce joli petit monde, la peur de heurter le faisan qui traverse la route... Alors je roule tout doucement comme un invité qui essaie de se montrer sous son meilleur jour... Et souvent je fais des rencontres !

Mais là j’ai senti au fond du coeur qu’il y avait quelque chose de moche, que je n’allais vraiment pas aimer. Oui, qu’était donc cette forme inerte sur le bas-côté de la route ? une grosse tâche grise, poilue, touffue, des bandes éclatantes, noires et blanches, une petite tête plutôt pointue : un blaireau ? 

Je n’avais jamais vu de blaireau ; cerfs, biches, faons, sangliers, lièvres, lapins de garenne, hérissons, oui... Mais les blaireaux sont discrets, sortent de nuit, mènent une vie à l’écart au fond de leurs tanières et je n’en avais jamais vu.
C’est évident, il avait été débusqué, tué, et son chasseur victorieux avait déposé  sa dépouille le long de la petite route comme un trophée.

OU... un conducteur fou qui roulait la nuit sur une route où l’on ne se croise pas, à peine plus qu’un chemin goudronnée qui a heurté de plein fouet l’animal...

Peu de temps après j’ai signé une pétition contre la chasse aux blaireaux considérés (en France) comme nuisibles. Comme son pote, le renard...
Mais tout cela restait dans ma tête : comme une tristesse, un remord.

Alors je me suis dit : je vais faire son portrait. Ce sera « Mon ami le blaireau » en hommage à celui que j’ai trouvé le long de ma route, jeté de mon petit paradis.

J’ai dessiné mon premier :



Mais bon, je n’étais pas satisfaite, pas « top top » mon blaireau, il vaut mieux que cela, mon ami blaireau, je lui doit mieux !


Au travail !!

Un blaireau ce n’est pas facile à dessiner... J’ai noirci quelques feuilles avec des blaireaux qui ressemblaient à des renards, d’autres à des bisounours, voire.. à des rats bicolores...


Mais bon, le dernier a bien l’air de nous regarder, il n’est pas agressif, solide sur ses pattes... Alors je ne sais trop ce qui m’a pris, j’ai décidé de le passer à ma moulinette préférée, pilier de ma vocation d’infographiste : Photoshop :)


Et ça a donné de « drôles de trucs », ça c’est mis à exprimer des choses inattendues, voyez par vous-même :


Mon blaireau essaie de s'adapter à un environnement disco-flash
Quand même il est plus heureux dans les bois ...
Avec des couleurs plus chaudes... 
Mon ami blaireau, la nuit...
Dans sa tanière !
Il vient d'être repéré dans l'obscurité grâce à des "lunettes infra-rouge"

Plein de versions différentes c'est vraiment sympa : j'ai envie de faire un panneau avec  les différents blaireaux  ...
Ensuite, pourquoi pas faire un "vrai" tableau sur bois en acrylique avec mon blaireau préféré ?  Ça doit pas courir les rues, les portraits de Blaireau ...


Voilà les versions mises les unes à côté des autres...



Je ne sais laquelle préférer : c'est bien d'avoir une déclinaison et non "le" résultat final. En fait, il n'y a pas de "meilleure" version : l'important est de savoir ce qu'on veut en faire, et ensuite finaliser une ou plusieurs versions  qui peuvent être radicalement différentes selon leur signification et leur but !

A dire vrai je vous ai épargné les versions d'essai beaucoup plus délirantes ou déjantées ou simplement moins réussies...

Si je veux être militante contre la chasse aux blaireau, je vais faire un panneau géant, si je l'aime et je voudrais l'avoir près de moi, je ferai un tableau sur bois intimiste... ou pas, car si mon intérieur est "flashy" je choisirai celui qui me va pour m'affirmer ! Je laisse mûrir mon choix qui finira par s'imposer de lui-même : je verrai un mur dans la maison et je me dirai que j'aimerais qu'il soit là et "grand comme cà !"

Ou... Si je vais à une manif pour la protection des blaireaux...


vendredi 29 mai 2020

A la maison !! Peindre un panneau de 3m sur 0,80

L'Arbre Têtard

Ou... Comment peindre un format de 3 m de haut "à la maison" 


C’est en me promenant depuis de nombreuses années le long du canal Louis XIV (Eure & Loir) que j’ai fini par aimer ces arbres qu’on appelle « Têtards ». Ces arbres étaient autrefois coupés chaque année et leurs rameaux servaient à faire des paniers et toutes autres sortes de choses comme simplement des tuteurs de plantes, passoires, nasses...


Le canal Louis XIV à hauteur du Moulin de Richenou



Il pousse comme des bras aux arbres-têtards
Celui-ci émet des signaux...
J’ai eu envie de leur rendre hommage, de faire le portrait de l’un de ces arbres-têtards. J’en ai choisi un nappé d’une couronne abondante d’orties...On ne voit plus le cours d’eau : il n’y a plus que l’arbre sur un fond vert continu avec ses centaines de bras parfois complètements tordus...

Ahhh... Oui.... Je travaille en grand... je vais devoir adapter mon arbre !


Voici mon premier dessin
J’ai adapté le dessin de l’arbre au format du panneau prévu 
Maquette : couleur aquarelle-encre de chine... 
Mise en place de scotchs de masquage
Je travaille sur un support un peu étrange : des nappes en intissé jetable.... L’avantage c’est .... que c’est pas cher, qu’on peut faire sans remord tous les essais qui nous passent par la tête :)

Le désavantage, c’est que le support est un peu bof, pas très prévu pour peindre ;)
Je cherche un résultat qui laisse passer la lumière : mon but est de les mettre contre une baie vitrée pour créer un effet lumineux coloré et profiter d’un espace d’exposition pas très praticable pour des peintures classiques...

Je vais donc réserver au maximum le tronc et les branches à l’aide de... scotchs de masquage utilisés pour le bâtiment.

Le format est la largeur de mes nappes (0,80 m) et la hauteur de la baie vitrée : 3,30 m environ. Donc j’ai élaboré un système un peu invraisemblable avec deux tréteaux d’architecte réglables en hauteur qui me permettent d'accrocher la nappe avec de grosses pinces, de faire sécher la peinture et de la décoller (trempée) de ma table (préalablement recouverte d’un plastique !). 

J’enroule de chaque côté de ma table la longueur que je ne peux installer directement

C’est difficile de dessiner car je ne peux pas avoir de vision d’ensemble : il y a une partie assez hasardeuse (pas que...) dans cette entreprise...

D'autre part la gomme ne fonctionne pas : pas de "remord" possible...


Après avoir posé mes scotchs j’ai démarré un dégradé de fond : je commence avec un bleu ciel et je termine avec les orties vertes en bas. 

L'arbre doit rester blanc et gris clair pour la luminosité et j’utilise l’acrylique de manière très liquide pour ne pas opacifier mon panneau. (et puis il faudrait des kilos de peinture, sinon !!)


Mon support bave par endroits, les scotchs papier n’ont rien à voir avec les surfaces de masquage sophistiquées dont on se sert pour l’aérographe !


J’ai trouvé un blanc spécifique non opaque : pour la transparence, c’est bien utile car ajouter de l’eau ne fait pas tout.


Vive l'encre de Chine ! : avec l'acrylique il est souvent difficile de faire du gestuel alors que l'encre de Chine suit tous les mouvements du pinceau gorgé d'encre... C'est peut-être aussi du à la qualité de peinture utilisée ?
Les effets de l'encre de Chine sont fantastiques... Ceci dit mon support n'est pas top : un calligraphe s'arracherait les cheveux....

Bref, un petit tour sur Internet et j'ai appris comment user mon bloc d'encre dans ma pierre à encre avec un peu d'eau. Normalement c'est 5 mn chrono à tourner avec de petits mouvements circulaires, mais comme je désire pas du "vrai" noir, j'ai réduit à 3 minutes :)) 



C'est trop poétique d'user le bloc d'encre, en plus, ça sent bon ! Et puis ça empêche d'aller trop vite en besogne.

Par exemple, je ne suis plus si sûre de vouloir mettre plein de feuilles pour suivre la photographie d'origine ...

En fait, ça me plaît déjà bien ! Mais c'est triste sans feuilles, je vais peut-être en peindre quelques unes pour suggérer l'arrivée du printemps. 

Je me suis décidée, je vais ajouter des feuilles à la main. Les peindre est par trop hasardeux : la peinture disparaît parfois dans le support inférieur et donc... 



Je vais les coller !!!! La couleur est celle des feuilles de saule : du vert argenté, des feuilles délicates, fines... 



Voilà ! c'est collé, le printemps est de retour !


Il faut faire un ourlet de chaque côté pour pouvoir l'accrocher : je voudrais bien voir à quoi cela ressemble :)

Bon... un peu sombre, mais normalement l'éclairage vient par derrière !!!

Qu'en pensez-vous ? Vous faites le prochain ?